Les risques climatiques sont-ils à l’ordre du jour des établissements de crédit ?

Publié le : 15 septembre 20208 mins de lecture

Le changement climatique entraîne des risques financiers considérables, qui ne sont généralement pas pris en compte pris en compte dans les processus de gestion des risques. Les gouvernements, les banques centrales et les régulateurs sont donc de plus en plus préoccupés par les risques climatiques et les investissements verts. L’Accord de Paris sur le changement climatique place le rôle du secteur financier dans la réalisation des objectifs climatiques au premier plan. Immédiatement après les objectifs consistant à limiter l’augmentation de la température mondiale (art. 1a) et à promouvoir la résilience au changement climatique (art. 1b), la troisième place de l’article 1c souligne l’important rôle de pilotage du secteur financier dans la transformation de l’économie.

Selon les dernières conclusions scientifiques sur le changement climatique présentées dans le rapport du GIEC de 2018, même un réchauffement de 2°C a des effets dévastateurs sur les humains et sur l’environnement. Le rapport renforce l’urgence de limiter le changement climatique anthropique à 1,5°C si possible. Selon les estimations du GIEC, nous avons encore un cycle économique pour cela, environ 12 ans.

Pour que le secteur financier puisse utiliser le pouvoir de pilotage de sa fonction de médiation inhérente dans ce sens, il faut assurer une orientation à long terme et holistique du secteur financier dans les considérations de risque et d’opportunité des décisions d’investissement. Toutefois, le secteur financier dispose non seulement d’une marge de manœuvre, mais il est également touché par le changement climatique lui-même et est confronté à de nouveaux risques liés au climat, jusqu’alors peu pris en compte.

Le changement climatique entraîne des risques climatiques considérables

En 2019, les risques environnementaux ont dominé le rapport sur les risques mondiaux du Forum économique mondial pour la troisième année consécutive. Les conséquences de la destruction de l’environnement et du changement climatique constituent donc l’une des plus grandes menaces pour l’économie mondiale. Bien que le verdict des experts en risques soit clair, ils ne sont souvent pas bien compris par les acteurs du marché financier et ne sont pas évalués en conséquence.

Cela est dû en partie au fait que les marchés financiers mondiaux sont de plus en plus caractérisés par le court terme et que le changement climatique est un phénomène à long terme. Mark Carney, gouverneur de la Banque d’Angleterre, appelle cela dans son discours d’ouverture « La tragédie des horizons ».

D’autre part, il y a un manque de connaissances sur les risques climatiques et les données, les outils et les capacités nécessaires pour les gérer. Enfin, il y a souvent un manque de soutien de la part du niveau de gestion responsable dans les institutions financières. La Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD) de la commission d’experts du Conseil de stabilité financière du G20 a publié ses recommandations aux entreprises et aux institutions financières pour une déclaration climatique uniforme et la gestion des risques liés au climat. Le TCFD recommande notamment l’utilisation d’analyses de scénarios environnementaux pour identifier, mesurer et gérer les risques climatiques. La gestion actuelle des risques est basée sur des approches rétrospectives utilisant des données du passé. Toutefois, comme le climat mondial change actuellement avec une intensité et une fréquence sans précédent, il est recommandé d’adopter des approches dynamiques et prospectives en matière de gestion des risques. L’analyse des scénarios environnementaux prend en compte les risques et opportunités climatiques et environnementaux matériels à court, moyen et long terme dans des états futurs alternatifs plausibles, tels qu’un scénario à 2°C, 3°C et 5°C.

Risques physiques et transitoires du changement climatique

L’impact du changement climatique sur le système financier est divisé en risques physiques et transitoires. Les risques physiques englobent les risques liés au climat, à la géologie et aux écosystèmes, tels que les phénomènes météorologiques extrêmes, les tremblements de terre ou l’extinction des insectes. Les risques transitoires sont les risques qui résultent de la nouvelle législation, de l’innovation technologique et des changements d’humeur. Les risques physiques se matérialisent surtout dans les scénarios de fort réchauffement climatique ; les risques transitoires sont principalement ceux des scénarios dans lesquels le changement climatique est maîtrisé avec succès. Investir dans le vert est intéressant car les deux types de risques sont réduits pour l’établissement de crédit individuel. La question de la durabilité dans le secteur financier va donc bien au-delà de la prise en compte des risques de réputation et des stratégies de marketing. Les risques liés au climat sont des risques financiers. Les règles d’adéquation des fonds propres pourraient bientôt en tenir compte.

La finance durable au centre des préoccupations des responsables politiques, des régulateurs et du secteur privé

Les décideurs politiques, les régulateurs et les autorités de surveillance sont de plus en plus préoccupés par la question de la durabilité dans le secteur financier. 34 banques centrales et autorités de surveillance ont uni leurs forces au sein du Réseau pour l’écologisation du système financier (NGFS) afin d’aborder l’impact du climat et de l’environnement sur les marchés financiers. L’objectif de cet organisme international est d’inscrire les risques climatiques en bonne place dans l’agenda des banques centrales et des autorités de contrôle. Les recommandations aux banques centrales dans le premier rapport d’avril 2019 incluent l’intégration des risques climatiques et environnementaux dans la gestion des risques et le suivi de la stabilité financière ainsi que dans la surveillance microprudentielle. La Commission européenne a lancé le plan d’action de l’UE pour le financement de la croissance durable en 2018. Dans le cadre de ce plan d’action, les experts du groupe d’experts techniques (TEG) développent, entre autres, une taxonomie qui définit quelles activités économiques comptent comme durables et peuvent donc être financées par des instruments de financement durables tels que les obligations vertes.

Le gouvernement fédéral allemand a décidé l’élaboration d’une une stratégie allemande de financement durable sous la direction du comité du secrétaire d’État au développement durable. L’objectif du Conseil consultatif sur le financement durable créé à cette fin est de « conseiller le gouvernement fédéral sur l’élaboration d’une stratégie nationale de financement durable et de formuler des recommandations concrètes d’action ». Par exemple, depuis 2006, plus de 2000 investisseurs avec plus de 62 000 milliards de dollars d’actifs sous gestion (AUM) ont signé les Principes pour l’investissement responsable (PRI) soutenus par les Nations unies. PRI s’efforce d’intégrer les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance dans les décisions d’investissement. L’IF du PNUE lancera également en septembre 2019 les Principes pour l’instauration d’une banque durable, qui ont déjà été signés par un grand nombre de banques. En Allemagne, il existe le Green and Sustainable Finance Cluster Germany – un groupe d’engagement composé de membres du secteur financier, de la politique et de la société civile.

Il reste encore beaucoup à faire pour que la durabilité devienne plus courante dans le secteur financier et qu’elle figure en bonne place dans les évaluations des opportunités et des risques des acteurs du marché financier. De la préparation des données climatiques à des fins financières, à la production de rapports adéquats sur le climat dans le secteur réel et financier, à l’élaboration d’un cadre réglementaire favorable aux produits financiers durables, la coopération est avant tout nécessaire : coopération entre les décideurs politiques, les régulateurs et les superviseurs avec les marchés financiers, coopération au niveau international, européen et national, coopération interdisciplinaire entre les experts scientifiques des secteurs financier et climatique.

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